Aide médicale à mourir (AMM) à domicile : quel est l’impact de cette décision sur la valeur de mon legs immobilier?

by Louis-Charles Ménard

Sujet clairement d’actualité n’est-ce pas? Récemment, une dame de Piedmont qui a fait les manchettes défendait son droit de mourir à la maison. Locataire depuis plusieurs années à la même adresse, vivant seule avec son petit chien et atteinte d’une maladie dégénérative, la dame souhaite demeurer chez-elle jusqu’à ce qu’elle reçoive son aide médicale à mourir. La propriétaire, quant à elle, souhaite que sa locataire quitte son logement, alléguant ses croyances religieuses. Nous pourrions aussi penser que pour plusieurs propriétaires, ce serait une peur que le geste impacte la valeur marchande de leur propriété. Le Tribunal administratif de la Régie du logement (TAL) rejette la requête du propriétaire, et la locataire bénéficie de son droit de mourir chez-elle, en paix. Bien que le tout semble logique, n’est-ce pas une fin de vie un peu ardue que de devoir défendre à la Cour son droit de finir sa vie dans son logement?

Qu'en est-t-il du copropriétaire d’une résidence ou du propriétaire unique qui décide que sa résidence devient le lieu qu’il souhaite pour quitter ce monde en paix? La question est lancée.  

Récemment, nous avons été invité par l’équipe des soins palliatifs à domicile du CISSS des Laurentides dans le but de discuter de l’impact sur la valeur d’une propriété suite à la décision d’un patient de mourrir sous son toit. Choix qui, pour nous, est une évidence même, logique et respectueux. Pour plusieurs propriétaires, la mort impactera-t-elle la valeur marchande de leur propriété? Voilà LA question.

Bien que l’OACIQ (Organisme d’Autoréglementation du Courtage Immobilier du Québec) recommande, voire oblige, les courtiers immobiliers à divulguer toute mort dans un domicile. Qu’elle soit violente ou non, la divulgation obligatoire du courtier n’est pas évidente pour tous. Pourquoi est-ce que légalement, un vendeur vendant lui-même sa propriété, n’est pas obligé de divulguer ce fait, et le courtier qui est au fait d’une telle situation est, lui, obligé de le faire? On s’entend ici que le fait de mourir à la maison naturellement ou par le soin de l’aide médicale à mourir (AMM), également considéré par la loi être une mort naturelle, est permis. Consommer quelques joints de marijuana pour sa consommation personnelle dans sa propriété est aussi légalement accepté. 

Nous ne cherchons ici aucune confrontation avec notre organisme régulateur (OACIQ), mais il nous apparait évident que ce choix de recevoir l’AMM a un impact négligeable, voire subjectif, sur la valeur d’une propriété. Alors pourquoi nous forcer à le divulguer? Un débat plus en profondeur devrait être entamé, le sujet étant de plus en plus d’actualité. Québec autorisera les demandes anticipées d’aide médicale à mourir dès le 30 octobre, augmentant ainsi le nombre de demandes et, par le fait même, de décès dans un domicile.

En 250 années d’histoire de revente immobilière, au final, chaque maison aura vécu sa propre histoire. De la naissance d’un bébé au décès d’une personne. N’oublions pas qu’entre les 2, il y aura de fortes chances qu’il y ait eu des confrontations de couples, consommation de drogues, légales ou non, actes de violence, des hommes ou des femmes qui auront battu leur conjoint, conjointe, leurs enfants, voire même des abus de toutes sortes. Où est donc cette frontière entre la non divulgation et une divulgation souhaitable, voire obligatoire, pour laquelle un acheteur, en toute connaissance de cause, n’aurait pas acheté un tel bien immobilier ou en aurait offert un prix moindre? 

Nous comprenons que les religions puissent avoir un impact sur les croyances d’un individu. Toutefois, la violence conjugale ou envers un enfant, un parent, a clairement pour nous un impact plus important sur la valeur d’un bien immobilier qu’un propriétaire (ou locataire) ayant choisi de quitter ce monde avec toute l’attention et l’amour de ses proches dans son domicile.  Ce qui est dommage ici, c’est que le simple fait de divulguer ou d’en parler impacte de façon subjective la valeur de la propriété. Est-ce que cela ne reviendrait pas à dire que les émotions ou croyances peuvent être monnayables?

Imaginons donc une propriété mise en vente sans qu’il n’y ait eu de divulgation en regard d’une mort naturelle. Prenons un exemple : la mise en marché complétée, la propriété se retrouve prisée par deux acheteurs. Sans connaitre le contexte, les 2 acheteurs décident de faire une offre sur cette propriété. Dans les heures qui suivent,  la présentation des offres d’achat se fait.  Le vendeur décide d’informer les acheteurs qu’une mort non violente, encadrée et naturelle, a eu lieu dans la propriété quelques années plus tôt. Imaginons ici que ce fait fut non divulgué sur la déclaration du vendeur, et ce par simple oubli de celui-ci. Un des acheteurs, pour quelque raison ou croyance que ce soit, décide de retirer son offre. Inévitablement donc, la valeur du bien immobilier vient d’être affectée. Pourtant, bien d’autres faits et gestes pourraient avoir eu lieu dans cette résidence et n’auraient pas à être divulgués, que le vendeur actuel n’en ait pas eu connaissance ou tout simplement que ces informations ne méritent selon lui d’être divulguées.

Enfin, si nous souhaitons répondre à la question de départ, sachez que la réponse n’est pas toujours évidente. Le prix de départ de la propriété, la situation géographique de celle-ci, son positionnement sur le marché aura donc un impact beaucoup plus important que le choix par une personne de décéder en paix à son domicile, en toute légalité. 

Ce choix de terminer sa vie en toute quiétude, entouré de ses proches, dans son domicile, est donc un choix personnel, privé et, redisons-le, légal, que toute personne devrait respecter. Il ne devrait rester qu’un souvenir unique, paisible, vécu en privé, sans qu’aucune divulgation n’ait à être faite.

Dans ce contexte, ce que l’on ne sait pas, ne fait pas mal.

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